Skull Island : Rise of Kong est-il un nanar vidéoludique ?

Antoine Patrelle
4 min readOct 31, 2023

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Ces derniers jours, un nouveau jeu est venu concurrencer le mal nommé Gollum au titre du pire jeu de l’année 2023, il s’agît de Skull Island : Rise of Kong sorti le 17 octobre dernier. Malheureusement pour lui, le jeu a fait parler de lui bien avant sa sortie, notamment à cause d’un passage du jeu en particulier.

Le passage en question.

Dans celui-ci, le jeu propose en guise de flashback un simple fichier image qui semble surtout avoir été oublié par mégarde en attendant d’être remplacé par un fichier vidéo. Si cette erreur est surtout le résultat de conditions de production bien particulières (on y reviendra), cela ne gâche en rien son potentiel risible. Outre cet extrait, le jeu souffre de graphismes et d’un design daté, à peine sauvé par son aspect cartoonesque et d’un gameplay extrêmement répétitif et sans idée. Le tout vendu à un prix plutôt conséquent étant donné le résultat final.

Dès lors plusieurs streamers et créateurs de contenu se sont emparés du jeu pour mesurer l’étendue des dégâts et offrir un moment de divertissement à proposer à leurs communautés respectives. Ce plaisir a découvrir et à partager le plaisir que l’on peut éprouver devant une œuvre d’art “ratée” ou “mauvaise” est l’essence même de ce que l’on appelle communément : le nanar. Ou quand le mauvais est si mauvais qu’il devient bon et qu’un autre spectacle supplante le spectacle initialement prévu par les auteurs du film. C’est notamment l’histoire de The Room, nanar culte et également merveille de bizarrerie, réalisé par le tout aussi bizarre Tommy Wiseau. Mais le nanar cinématographique a t-il son équivalent vidéo-ludique ?

Les fans de nanar vous le diront, plus le film est sincère dans sa volonté de bien faire, plus son échec est savoureux à découvrir, car le secret d’un bon nanar réside dans sa sincérité. Nombreux sont les opportunistes qui ont voulu surfer sur la vague du nanar en proposant des films qui reprenaient volontairement les codes du nanar, c’est notamment le cas du studio Asylum.

Le nanar fascine par l’absurdité des scènes qu’il peut proposer et par la fenêtre qu’il ouvre sur l’intimité d’un auteur, souvent passionné de cinéma. Difficile alors d’éprouver du plaisir face à ce qui ressemble surtout à un calcul financier et opportuniste (dans le cas des productions Asylum), jouant sur des codes d’un genre bien souvent méprisé.

Peut-on alors transposer cet état de fait au jeu vidéo ? Existe t-il un Neil Breen du jeu vidéo ?

En vérité ce qu’est Skull Island: Rise of Kong aujourd’hui n’est pas l’œuvre d’un auteur mégalo et pensant réaliser un chef d’œuvre vidéoludique, mais bien le résultat d’une production chaotique. Développé par Iguana Bee mais surtout édité par Game Mill Entertainement, Skull Island n’a bénéficié que d’une année de développement. Un timing plus que serré imposé par l’éditeur Game Mill Entertainement au modeste studio de développement Iguana Bee, localisé au Chili. Cette temporalité réduite alliée à une équipe réduite par manque de financements a ainsi donné ce résultat bien dommageable pour l’image du studio qui pour financer des projets plus originaux, a besoin de ces jeux à licences justement comme Skull Island. Derrière la risibilité du produit final de ce genre de productions, se cache souvent une histoire d’exploitation et de précarité. Là où au cinéma l’aspect fauché de certaines productions peuvent les rendre plus sympathiques, dans le jeu vidéo, depuis la mise en lumière des pratiques abusives comme le crunch, ce transfert entre les deux mediums ne fonctionne pas.

Il ne s’effectue d’ailleurs pas aussi car la seconde composante essentielle du nanar avec la sincérité, c’est celle du plaisir. C’est le plaisir qui distingue le nanar du navet, le navet, ce mauvais film qui reste mauvais. Si l’on peut éprouver du plaisir à regarder un mauvais film, la réciproque est plus complexe pour le jeu vidéo. Lorsque le joueur du grenier chronique des mauvais jeux, l’expérience ne ressemble pas à une partie de plaisir. Bien au contraire, un jeu vidéo c’est avant tout des mécaniques et là où les erreurs cinématographiques peuvent créer un décalage humoristique, les bugs sont plutôt source de frustration et d’agacement. Pour en revenir a Skull Island, si l’extrait présenté en début d’article a beaucoup tourné sur Twitter, avant d’être ensuite commenté par de nombreux streamers, la suite du jeu en revanche a fait beaucoup moins parler d’elle. Tout simplement parce qu’elle se révèle extrêmement répétitive, sans idée et absolument pas source de fun pour un streamer ou ses viewers.

Skull Island Rise of Kong n’est pas un nanar vidéoludique, simplement un mauvais jeu qui résulte de la précarité d’un studio encore trop dépendant d’éditeurs peu scrupuleux.

Mais le nanar vidéoludique existe t’il ? Peut-on également trouver dans l’histoire du jeu vidéo, des auteurs mégalo pensant révolutionner leur art mais qui au final ne proposent que des intrigues dignes de la pire des série B ?

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